Régulièrement, on pose cette étrange question : quel est le meilleur restaurant de Paris. La réponse, le saviez vous , n’existe plus depuis une vingtaine d’années ! Pourquoi ? Parce que le genre a éclaté dans tous les sens et bien malin, faut il le répéter, qui peut placer une délicieuse trattoria de quartier devant un éblouissant comptoir à sushi ou un adorable bistrot du sud ouest ?
C’est incomparable, ce qui n’est pas pour nous déplaire. Les grands restaurants sont quant à eux coincés dans le plafond. Ils se retournent régulièrement, vaguement inquiets : qui les
suit ? Pas grand monde, hélas pour eux. Des fortunes d’emprunts, les cadenassés du Cac 40, quelques gourmets en jet lags mais il est rare d’y croiser des gourmands glissant leur serviette dans le col de chemise. Du coup, l’excellence s’est vaporisé comme les plats de Ferran Adria. Elle est dans l’air et chose incroyable, palpable à tous les endroits : un sandwich rue des Capucines (au Petit Vendôme, 8 rue des Capucines, 75002 ;01.42.6105.88), un plat chez Sola (12, rue de l’Hôtel Colbert, 75005 ; O1 43 29 59 04), un cappuccino (chez Mesure, 47, rue de Babylone, 75007 Paris)…
Et la table ?! J’ai parfois envie de répondre le Baratin, dans le nord de Paris (3, rue Jouye-Rouve, 75020 ; 01.43.49.39.70). J’entends déjà les pâmés du rond de serviette, objecter, le doigt sur la couture immatérielle de l’Unesco, sur son côté bon enfant, les humeurs sinusoïdales de Philippe Pinoteau, le brouhaha libertaire…Mouais. Recevable tout cela mais ce n’est pas plus mal, le cahier des réservations est surchargé, la clientèle dodue. L’assiette en tout cas a cette grâce tranquille, cette liberté amusée, celle d’un esprit fort et apaisée : Raquel Caréla.
Elle n’a pas de compte à rendre, ne souhaite pas donner ses adresses de chausseur dans les magazines féminins, poser en pull marin ou édicter les principes du cupcake. Non, c’est une cuisinière comme il en existe plus à Paris (si, sorry : Olympe, à Casa Olympe, 48, rue Saint Georges, 75009 ; 01.42.85.26.01), loin de la cuisine moustachue et obsédante dans son pathos nombriliste. Ce soir là, il y avait un menu dégustation et moi, qui aie une sainte horreur de cela, suis tombé sous la cavalcade, ravi et content : artichauds, bar au vinaigre fume Tosazu, bouillon de poisson, calamars de Santander, cervelle de veau, au sel maldon, aiguillette de bœuf, barbue du Guilvinec, ris de veau, compotée de coing. Ajoutez à cela une rafale de flacons et avec mes bad boys nous étions prêts à laisser les lois de la gravité nous faire regagner, Paris, tout en bas.
Le Baratin 3, rue Jouye-Rouve 75020 Paris Tél. : +33 01 43 49 39 70
Font: François Simon