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Paris est-elle la capitale gastronomique du monde ?

Per gener 23, 2012Sense comentaris

Le bonheur de Paris, c’est ce mélange inimitable du désuet, du sentimental et du désir.

Finalement, à lire nos amis du monde entier, Paris reste la capitale sentimentale de la gastronomie. Partout, les chefs comme les critiques ont souvent connu ici leurs premiers émois. Et, à qui a l’âme clémente, le cœur tendre, Paris offre une sidérante palette de saveurs. Il n’est pas rare de voir des rues entières offertes à l’appétit, des boulangeries rivaliser à quelques mètres l’une de l’autre sur le croustillant de leur croissant. On a même l’impression que Paris a les yeux plus gros le ventre. C’est sans doute l’un des derniers endroits au monde où l’on parle de nourritures tout en mangeant.

Le seul problème irrésistible de Paris, c’est sa tradition. Elle freine toute modernité car il est difficile de s’embarquer sur une mousseline de yuzu alors qu’un navarin de veau s’offre la ligne d’en dessous. Les bistrots raflent du coup la mise, tirent les larmes et instaurent une république lente et savoureuse.
Du coup, de partout dans le monde, les talents éclosent, nous doublent en klaxonnant de bonheur, car, bien souvent, nous nous connaissons. À Copenhague, à Tokyo, Sao Paolo, Séoul, Singapour, Londres, Osaka (on peut continuer ainsi pendant une heure), les chefs sont passés en France apprendre le solfège et maintenant triomphent dans leur pays. Des capitales mondiales de la gastronomie, il y en a maintenant à la pelle, l’Europe en regorge (Florence, Lyon, Paris, Londres, Copenhague, San Sebastian). En fait, les expressions sont devenues multiples, les dialectes éblouissants, les langages totalement rénovés. Paris rayonne dans sa solitude. Elle fait penser à ces belles vieilles femmes neurasthéniques qui soliloquent seules dans la rue. C’est bien pour cela que nous la chérissons tant. Mais elle ne souhaite pas que cela se sache. Elle s’inscrit au patrimoine immatériel de l’Unesco comme si elle entrait dans les ordres.
Il en va ainsi de la nature gastronomique comme de l’état du monde. «C’est un paradoxe, écrit l’historien Paul Cohen. Les Occidentaux qui ont plus que quiconque contribué à créer le monde moderne sont les moins à même de le comprendre.»
Ite missa est.

Le match des capitales

Il semble que cette course au titre mondial de capitale gastronomique soit devenue une sorte de défi marketing des guides et publications. Le Michelin , spécialiste du genre, a bien tenté d’installer Tokyo comme capitale mondiale, mais il s’agit plus d’un «michelincentrisme» qu’autre chose puisque, avec la nouvelle édition du guide (étendue à Kamakura), la capitale japonaise affiche 17 trois-étoiles (contre 10 à Paris). Il ne faut toutefois pas oublier que Tokyo compte plus de 160 000 restaurants (contre 13 000 à Paris). Il n’en reste pas moins que Tokyo constitue l’une des plus formidables destinations au monde dans le genre, tant les épiceries des grands magasins, l’extraordinaire qualité des tables étrangères (françaises, italiennes…) et locales la propulsent au sommet. Cela dit, la communauté des voyageurs de TripAdvisor à travers le monde a classé récemment Florence comme capitale européenne de la gastronomie, et ce devant Paris. Suivent Rome, Londres, Sorrente, Sienne, Bologne, San Sebastian, Barcelone… Ne pas oublier non plus New York, la baie de San Francisco, Singapour, Londres et ses 6 000 restaurants, 3 000 cafés et 5 000 pubs. Copenhague revient souvent dans le lot, mais franchement, à part une pincée de tables (dont l’excellent Noma), la scène gastronomique reste modeste. On le voit, cette rivalité est paisible, puisqu’en fait, entre les villes, se tisse un véritable maillage réciproque: les chefs des différents pays puisent partout, circulent, échangent…

Les fléaux de la gastronomie parisienne

Bien sûr, on est les meilleurs au monde. On devrait du reste nous créer une planète spéciale. Cela dit, pour monter encore plus haut dans le ciel, il reste quelques marches…
Le suivisme. Paris passe son temps à se copier elle-même. Véritable planète de clones, elle photocopie les cartes des uns et des autres. On va même jusqu’à reprendre les bandes-son, les serveuses et les caractères d’imprimerie. Ouh!
Le menu dégustation. Bien sûr, cela arrange le chef et son comptable. Mais les gouttes d’eau qui vous tombent sur le crâne toutes les 20 minutes, non merci. Ajoutez à cela l’absence totale de liberté, hormis le droit de choisir entre eau gazeuse ou eau plate, carte American Express ou Carte Bleue. On n’est pas à l’armée!
L’hygiène. Il y a du progrès du côté des dessous de bras, mais c’est lent. Idem pour les cuisines et les toilettes, Paris reste au niveau du trottoir.
Les restaurants étrangers. Notre suffisance franco-cocorico nous conforte dans l’idée que les restaurants étrangers sont forcément distrayants, moins bons et folkloriques. Du coup, le niveau n’est guère fameux. À New York, comme un peu partout dans le monde, les tables étrangères rivalisent avec les locales, c’est un vrai feu d’artifice. À Paris, l’ordre règne, les Französisch en devant, über alles ; les autres, derrière!
Les prix meuh-meuh. 12 euros le verre de Ladoucette au Flore, 50 euros un plat de viande chez Ralph’s, 23 euros un cœur de laitue au parmesan aux Orchidées, 35 euros un club sandwich au Bristol… Partout les prix font coin-coin avec le pompon aux verres de vin, facturés bientôt au prix de la bouteille départ cave.
Les décors à la ramasse. Alors que les grandes capitales rivalisent d’ingéniosité, Paris reste incroyablement timorée question décor. Souvent, on joue la carte sécurité, sans grands risques, très peu d’audace et de ton, à part quelques exceptions: le Dauphin, Les Tablettes de Nomicos
L’accueil. Là aussi, des progrès, mais pour le reste, quelle morgue, quelle suffisance notamment lorsqu’un restaurant est complet. C’est tout juste si l’on ne vous raccroche pas au nez!
La sommellerie sait tout. Et nous, rien du tout. Les sommeliers, à part quelques doux rêveurs, sont les nouveaux prélats de ce siècle. Onctueux et suffisants, ils ont réussi à nous faire obliquer sur les vins tout simples, tout bêtes. Là au moins, on a la paix. Leur grand tic du moment: «Là, nous sommes sur…». Sur la pente douce.
Autor: François Simon
LE FIGARO
17 Gener 2012